L'allée couverte du Champ Grosset
En 1894, la Société Archéologique d'Ille et Vilaine apprend, grâce aux indications d'un confrère, Mr de Tournemine, propriétaire à la Ville-Briend, l'existence d'une allée couverte dans un champ à Quessoy et décide d'y entreprendre des fouilles en 1896.
Le monument est situé au nord du Champ Grosset, dans la partie la plus élevée, près du talus qui le sépare du champ voisin. Il est entouré de petites pierres et de terre accumulées, reste peut-être d'un tumulus qui le recouvrait, ou provenant plutôt du nettoyage de la partie du terrain mise en culture et apportées là par les cultivateurs, pour s'en débarrasser. Il était ainsi enfoui presque complètement.
L'allée, dans son entier, mesure douze mètres cinquante de long; sa direction va de l'Est à l'Ouest, s'infléchissant légèrement à l'entrée vers le Sud-est pour former au Sud un petit cabinet latéral qui y était accolé. L'entrée s'ouvrait à l'Est; deux pierres longues et étroites, se faisant suite, la divisaient en deux parties, formant ainsi deux passages donnant accès, l'un dans l'allée couverte, l'autre dans la petite chambre dont elles constituaient l'une des parois.
Pour les fouilles, des ouvriers ont été recrutés par Mr. du Plessis de Grenédan, maire de Quessoy. Ils travailleront sous la direction de l'équipe d'archéologues. Mais le peu de largeur entre les supports, éloignés à peine de un mètre l'un de l'autre, ne rend pas la tâche facile.
On enleva d'abord une quantité de terre du champ mêlée de pierrailles semblables à celles qui recouvraient les piliers à l'extérieur, apportée en même temps et jetée là pour remplir la cavité. Sous cette couche, en apparut une autre, humus plus noir, espèce de terreau, contenant moins de pierres, qui devait provenir de la terre extérieure tombée à travers les interstices du recouvrement. Enfin, à soixante-dix centimètres environ de profondeur, on arriva à une troisième couche formée de sable argileux de trente centimètres d'épaisseur. Cette argile, enfin, reposait sur un pavage grossier composé de pierres de toutes tailles et formes. C'est dans cette couche de terre, étrangère à celle des champs voisins, rapportée là tout exprès par les constructeurs du monument, que l'on risquait de faire des découvertes intéressantes.
Dans ces découvertes, il y eu plusieurs vases en forme de grand bol, travaillés à la main seulement, sans secours du tour, de formes et dimensions très différentes. La pâte en est grossière, l'argile mélangée de grains de sable et de quartz n'a subi qu'une cuisson rudimentaire. Quelques-uns paraissent plus soignés, plus élégants mais sans aucune trace d'ornementation. Tous ces vases étaient couchés sur le côté, ouverture tournée au Sud. Certains sont remplis de sable fortement tassé contenant des fragments d'os.
croquis de vases trouvés dans l'allée couverte du Champ Grosset
Ils découvrirent également dans toute la longueur de l'allée, nombreux débris de poteries et fragments d'os, plusieurs couteaux en diorite et éclats de silex, quelques disques en pierre taillés au moyen d'un percuteur et ayant certainement fonction de couvercle. Dans le sable qui servit à niveler le sol avant la pose des dalles, se trouvaient aussi des débris de poteries et d'ossement de divers petits animaux paraissant être des restes de cuisine et apportés là avec le sable.
couteau en silex de l'époque dolménique
Après examen des objets trouvés, nous constatons qu'ils sont caractéristiques de l'époque dolménique, environ deux milles ans avant J-C. Leurs positions semblent indiquer une intention manifeste et résulter d'une idée religieuse et rituelle. Et, si on considère le nombre de vases complets, de couteaux de silex, se succédant dans toute la longueur de l'allée en accompagnant les ossements, on peut penser qu'elle ne fut pas le tombeau d'un seul personnage mais que trois ou quatre corps y ont été déposés les uns à la suite des autres.
D'autre part, l'absence absolue parmi les restes et dans la terre de résidu de matières organiques, nous fait penser que ce ne sont pas des cadavres qui ont été déposés mais des squelettes dépouillés, dont la chair a été livrée préalablement à la décomposition, soit dans une sépulture provisoire, soit à l'air libre, ensuite rapportés sous le monument funéraire préparé à leur intention où on les a déposés en cérémonie en plaçant à côté d'eux, suivant la coutume, quelques objets mobiliers dont ils avaient l'habitude de se servir.
construction d'une allée couverte
Une fois les fouilles terminées, il ne restait plus, à l'équipe de la Société Archéologique, qu'à redresser et remettre en place, en leur état primitif, les supports tombés, et les consolider dans la mesure du possible.
Dans la terre, bien au dessus de la couche de sable argileux, a été ramassé également lors de ces fouilles, un fragment de poterie de petites dimensions, très différent de ceux déjà rencontrés. C'était un morceau de poterie rouge, dite Samienne, de l'époque romaine, certainement tombé dans cet endroit par un interstice. Peut-être perdu par des premiers touristes, venus admirer, il y a 2000 ans, ce vestige du passé, mais ceci est une autre histoire...