Pommeret
Continuons notre tournée toponymique.
Comme pour Quessoy (Chêne), Hénon (Frêne) ou encore Trégenestre (Genêt), nous retrouvons encore avec Pommeret une origine végétale. Il est très facile d'en deviner la provenance. Pommeret est tout simplement un lieu planté de pommiers : une pommeraie.
Le nom de la paroisse existait au début du XIVème. Il a très peu évolué au cour des siècles. De Pomeroit, parfois écrit Pomeroy, il est rapidement passé, dés le XVIème, à sa forme actuelle.
Pommeret m'évoque surtout un évènement qui mit en grand émoi les autorités de la Nouvelle République en 1793.
Tout débuta le 23 mars. En désaccord avec la loi de l'enrôlement dans l'armée par tirage au sort qui avait pour but de faire face à la baisse subite des effectifs militaires, les jeunes gens de Pommeret refusent de se rendre à la convocation. Armés de bâtons ferrés, ils se réunissent au moulin à vent de Duault, à un kilomètre du bourg. Les commissaires de la République ne les voyant pas venir les rejoignent mais se font violemment recevoir.
Le surlendemain, ayant eu vent d'un grand rassemblement, les insurgés rejoignent la Lande du Gras en Meslin. Là, ils retrouvent 4000 paysans venus de 21 communes alentours. A leur tête, un jeune gentilhomme : Amateur Bras de Forges de Boishardy, ex-officier de la marine revenu depuis peu en son manoir de Bréhand.
En début d'après-midi, les révoltés se dirigent vers Pommeret. Ils sont prêts à en découdre avec les bleus et libérer les quelques camarades restés prisonniers et les municipaux "complices des brigands". Mais déception : aussitôt arrivés, ils trouvent le bourg désert. La troupe de soldats et leurs prisonniers sont déjà partis depuis quelques heures. Boishardy a maintenant bien du mal à contenir ses hommes. Hors d'eux, ils ne tardent pas à mettre à sac l'auberge d'un patriote n'ayant pas hésité à renseigner les gardes nationaux.
Voulant marquer cette journée par un acte net et précis montrant que ce soulèvement ne serait pas un évènement sans lendemain, le jeune chef décide alors de rejoindre le grand chemin de Saint Brieuc à Lamballe pour y intercepter la voiture des postes. Aussi, les révoltés auront besoin d'argent, autant se servir sur le dos de l'adversaire.
Arrivée à Sainte-Anne, au pont qui enjambe la rivière L'Evron, la troupe armée entend au loin la voiture arriver. Comme par enchantement, les hommes deviennent soudainement invisibles, se coulant dans les fossés, sous les buissons, derrière les arbres. La berline apparaît enfin. Elle est tirée par deux forts percherons. Une escorte de deux gendarmes à cheval l'encadre.
Le pont de Sainte-Anne aujourd'hui
En un bond, Boishardy se dresse au milieu de la route, pistolets braqués. Puis de chaque côté, des paysans jaillissent à leur tour et sautent à la tête des chevaux. En un éclair, les deux gendarmes sont immobilisés sans avoir eu le temps d'esquisser un geste. Sans perdre un instant, la voiture est pillée en règle.
Soudainement, des coups de feu se font entendre. Tous les hommes se mettent à l'abri. Des soldats que l'on n'avait pas vu venir, dissimulés dans les champs derrière les haies visent les paysans. La réplique ne tarde pas.
Devant le nombre, petit à petit, les bleus faiblissent et finissent par se replier, abandonnant le terrain aux paysans triomphants.
Une première victoire pour le jeune Boishardy. Une violente insurrection qui marquera le début de la chouannerie dans notre département.
Amateur Bras de Forge De Boishardy
Un souvenir de cette époque mouvementée existe encore sur la commune de Pommeret à la petite chapelle de Notre-Dame de la Rivière au bord de l'Evron. La serrure de la porte latérale, contemporaine aux évènements, est ornée d'une garniture en métal représentant un coeur surmonté d'une croix latine, l'emblème des chouans. Sous la révolution, on sait que Boishardy, se cachant un temps au château voisin de Cargouët, venait y faire ses dévotions.
Mais ceci est une autre histoire...