Veillées et chapeaux de paille
Il fut un temps pas si lointain où nous vivions à l'heure solaire (jusqu'en 1911). En décembre, le bien nommé "mois noir", vers 16 h, il faisait déjà presque nuit. Les soirées d'hiver étant longues, il faut trouver à s'occuper. C'est ainsi que les veillées furent organisées.
Nos aïeux, travaillant fort la journée, vont enfin jouir de loisirs pendant ces veillées hivernales. Réunis entre amis et voisins, au coin du feu, ils chantaient et se racontaient des histoires. Voici l'image classique du bon vieux temps. Mais ce temps, presque idyllique et regretté, ne correspond pas exactement à la vérité. Nos fameuses "boëries d'mic" agrémentées de vieilles complaintes et de récits merveilleux sont loin de coïncider avec le vécu des populations d'alors.
En réalité, la veillée n'existait souvent que par le devoir d'effectuer différents travaux répétitifs nécessitant une main d'oeuvre nombreuse, pas forcément experte, mais disponible (comme les enfants). Dans ce contexte, le village se réunissait le soir, non seulement pour trouver une certaine sécurité mais aussi pour de simples raisons économiques : l'éclairage ou la chaleur de l'âtre.
La veillée n'est donc, avant tout, qu'une réunion de travail. Les femmes cardent, filent, tricotent. Les hommes travaillent le bois, l'osier ou, spécialement à Quessoy, la paille, pour en faire des chapeaux qui seront revendus jusque sur les marchés de Rennes à la belle saison.
Tresseur de paille
En ces temps, un homme comme une femme ne se promènera jamais tête nue. Comme nous l'a écrit Pierre-Jakez Hélias dans "Le Cheval d'orgueil" :
"Le chapeau c'est la noblesse du Breton, il ne l'enlève qu'à l'église ou devant les morts, et c'est pour le tenir plaqué à deux mains contre sa poitrine, ou il le descend largement, les rubans à ras de terre, en l'écartant du corps comme fait un officier de son sabre, et c'est pour honorer les rares personnes qu'il estime, pas toujours les puissants, pas souvent les riches. Il le garde sur la tête quand il mange chez lui ou chez les gens de sa compagnie. Un homme à tête nue est un homme diminué, humilié, offensé."
Le chapeau porté traditionnellement à Quessoy (voir "mode masculine au 19ème") est fait de velours mais l'été, il est plus agréable de porter celui de paille, à large bord protégeant bien des ardeurs du soleil.
Malheureusement, la mode vestimentaire va changer, ce qui entraînera la disparition de notre artisanat local et surtout de notre savoir-faire.
Différentes étapes de fabrication
Le 21 juillet prochain, "Les Artisans d'Espoir", association bien connue pour son dévouement au Téléthon, nous fera revivre cette spécialité quessoyaise , en organisant la 1ère fête du chapeau (A noter dans vos agendas).
Les veillées, elles aussi, finiront par disparaître, avalées par la fée électricité, la radio et encore plus par la télévision. Tant et si bien que lorsque, dans la nuit du 13 au 14 février 1974, le FLB fait sauter l'émetteur de Roc'h Trédudon, privant ainsi tout l'ouest de la Bretagne pendant plusieurs semaines, les téléspectateurs frustrés redécouvrent cette façon d'occuper les soirées : les veillées reprennent.
On raconte même dans nos chaumières que cet attentat aurait été jusqu'à provoquer un baby boom. Mais ceci est une autre histoire...